Théâtrologie bocagère

Création, en 3 épisodes, présentée au Théâtre de l’Arsenic, Lausanne, de février à mai 2016.

Écriture et interprétation : Christian Geffroy Schlittler

Co mise en scène : Barbara Schlittler

Avec la participation de Tiphanie Bovay-Klameth, Alain Borek, Adrien Knecht et Sylvain Renou (LAUSANNE IMPRO) pour le second épisode.

À travers la mise en relation de deux domaines a priori peu enclins à se rencontrer – le théâtre et l’écologie, Christian Geffroy Schlittler a envisagé une trilogie qui, passant par trois genres différents (one-man show, théâtre improvisé, et lecture « performée »), tente de rendre compte de son histoire partiale et partielle du théâtre, des années 90 à nos jours. Une autobiographie qui ne dit que la vérité, de la part d’un acteur dont on connait la tendance à l’exagération.

THEATROLOGIE BOCAGERE 1

LE GRAND REMEMBREMENT – 11 février (One man show)

Au milieu d’une scénographie de table et de chaises sur lesquelles sont assis.es les spectateur.ices, Christian Geffroy Schlittler rejoue « sa vingtaine », de sa découverte du théâtre au début des années 90 à son exil en Suisse à la fin de cette décennie.

Une paresse scolaire visiblement endémique, une famille de classe moyenne rangée, une Normandie post-rurale, une France mitterrandienne, puis un Club Théâtre au Lycée, et c’est la fin du premier acte. La découverte enthousiasmé du monde des mots, de la brillance, de la fantaisie, des troupes de théâtre, une formation autodidacte, des envolées lyriques, des débats esthétiques dans les cafés ou dans les salons de ses ami.es (grande bibliothèques et fauteuil club) ; fin du second acte. Enfin il faut partir, car tout échoue ; les collectifs, les troupes, les amours, le théâtre engagé, le théâtre désengagé et l’impuissance devient de l’arrogance… car il lui manque quelque chose à ce jeune homme, qui a voulu trop vite, couper les haies de son bocage pour jouir des champs ouverts, à perte de vue…

THEATROLOGIE BOCAGERE 2

LA MALADIE DES GRANDS ORMES – 10 mars (Théâtre improvisé)

La maladie des ormes a décimé dans les années 90 ces arbres qui constituaient un essence structurante de l’écosystème bocager. On sait depuis quelque temps que la diffusion rapide de la graphiose de l’orme a sans doute eu pour cause l’appauvrissement génétique de l’arbre trop volontiers clonés ou greffé depuis le 19ième siècle, au détriment de la richesse adaptative que permet le semis. Quand Christian Geffroy Schlittler, dans les années 90 voyait les pièces de Jean-Pierre Vincent, Jean-Louis Benoit, Patrice Chéreau, Alain Françon, Jean-Louis Martinelli, Daniel Mesguich etc… il se demandait si ces Grands Hommes du théâtre décentralisé ne souffraient pas eux aussi d’une homogénéisation génétique sans doute due à une station trop prolongée dans le grand bain mousseux de la Culture à la française.

Le second épisode de Théâtrologie Bocagère traite de la première décennie des années 2000, l’âge d’or de la scène transdisciplinaire européenne qui contrastait tant avec la pauvreté formelle, le manque d’innovation et d’imagination du théâtre français texto centré des années 90. Christian Geffroy Schlittler a décidé de rendre hommage à cette époque passionnante mais sans faire le récit de son enthousiasme, comme il avait fait celui de ses déconvenues dans le premier épisode, en déployant autrement, en creux, en imagination, ces années folles. Il imagine un protocole d’improvisation qu’il soumet à quatre comédien.nes improvisateur.ices : il demandera à chacun.e d’incarner un.e créateur.ice emblématique de ces années et qui se trouvent être de nationalité espagnole. Juan Dominguès, Maria La Ribot, Oskar Gòmes Mata, Rodrigo Garcia deviennent donc des personnages de fiction. Il lit, devant le public, le portrait subjectif qu’il a tiré de chacun.e des espagnol.es, et donne la trame : Juan Dominguès invite ses amis à une résidence de création dans la campagne andalouse où il règne une chaleur suffocante.

Rencontre expérimentale dans le sujet, mais aussi dans la forme ; la radicalité scénique de ces quatre espagnoles se confronte sur la scène, comme se confronte leurs esthétiques performative à celle de l’improvisation, art « populaire » et volontiers potache.

THEATROLOGIE BOCAGERE 3

ET LES FRUITS PASSERONT LA PROMESSE DES FLEURS – 29 mai (Lecture « agitée »)

On est en 2016. Un homme de 45 ans livre ses pensées sous la forme d’un « poème » politique et intime structuré par rebonds et association d’idées. Un texte de bilan intermédiaire à l’âge où on a sans doute déjà plus vécu qu’on ne vivra encore, et dans quel état ? Ce texte à la première personne évoque une trajectoire fait de doutes, d’abandons, de lâcheté, mais plus fondamentalement d’absence de compréhension sur le monde qui l’entoure et sur l’utilité symbolique du théâtre. Une rumination déprimée qui espère, le temps de l’écriture, depuis le bocage de la pensée, trouver une lumière.

Extrait :

« Franchement, ça me désespère d’être aussi sentimental.

Je me sens en guerre partout,

tout le temps,

avec n’importe qui, sur n’importe quoi,

mais au lieu d’être un dur à cuire certain de son bon droit et

de la justesse de son combat,

je ne cesse de regretter d’avoir mal parlé à quelqu’un,

d’être aussi catégorique,

de trouver que ce metteur en scène fait de la merde certes, mais que

c’est un type sincère, et je l’admire de continuer malgré tout, et je l’envie même d’avoir encore cette foi-là

qui me fait défaut…

Parfois je refuse de rencontrer certaines personnes

uniquement pour continuer à penser du mal d’eux.

Je ne me suis pas assez entraîné pour le combat…

Bref…

Bon, admettons quand même, que je sois arrivé au bout de ce parcours qui croise les chemins

de pas mal de petites et de grandes désillusions,

que j’achève ce portrait d’un homme entre deux âges, et toujours le cul entre deux chaises,

de ce type désarmé mais formaté pour la guerre.

Je quitte ce champ-là, qui était marrant au début, mais qui commence à sentir l’hospice pour vieux.

Je m’autocensure un peu.

Ça vaut mieux je ne sais pas exactement quand j’ai glissé dans la complaisance,

mais je sens que j’y suis.

Quand on joue sur une scène, on sent lorsqu’on devient complaisant ; c’est le moment où on se résout à n’être plus que la cohérence d’un personnage,

sans n’avoir plus à subir

tout ce qui menace de la fragmenter

cette cohérence. »

THEATROLOGIE BOCAGERE 1, 2 & 3 est une production de L’agence Louis-François Pinagot, coproduite par le Théâtre de l’Arsenic, Lausanne, dans le cadre d’une résidence sur la saison 2015/2016.